Les pouvoirs de l'EVOO sur la longévité

Par le Dr Jb Bourgeois,
Médecin urgentiste et médecin du sport

Contrairement à la viande rouge, souvent victime de controverses injustifiées, l'huile d'olive a traversé les âges sans jamais voir son image ternie. En approfondissant mes recherches pour cet article, j’ai été frappé par le consensus scientifique autour de ses bienfaits. Bien plus qu’un simple corps gras, elle se révèle être une alliée précieuse pour notre santé, avec des actions multiples et synergiques sur de nombreux aspects physiologiques.

Nous avons aujourd’hui accès à une variété toujours plus grandes d’huiles végétales. Alors pourquoi l’huile d’olive demeure une exception, au point d’être parfois qualifiée d’"élixir de jouvence" ?

Prenons le temps d'explorer ensemble les raisons qui justifient pleinement la place unique de cet "or liquide" dans une alimentation saine et équilibrée.

Un peu d’histoire : le régime méditerranéen et l’huile d’olive, un héritage millénaire  (1, 2, 3, 4)

Le régime méditerranéen ne se résume pas à une simple habitude alimentaire : il incarne un mode de vie ancestral, façonné par des siècles de traditions et d’échanges culturels au sein des civilisations antiques du bassin méditerranéen.

Les fouilles archéologiques révèlent que la consommation d’huile d’olive remonte à plus de 6 000 ans, notamment en Crète, sur le site de Knossos, où les premières cultures d’oliviers ont vu le jour.

Les Égyptiens, les Grecs et les Romains partageaient une alimentation simple, mais exceptionnellement riche en nutriments. Cette diète reposait sur des aliments peu transformés : céréales complètes, légumes frais, fruits, poisson, et, au cœur de cette harmonie culinaire, un ingrédient essentiel et symbolique : l’huile d’olive.

Cependant, l’huile d’olive n’était pas seulement un aliment.

• Chez les Grecs antiques, elle était utilisée pour oindre les athlètes avant les compétitions, un rituel qui incarnait force, pureté et prestige.
• Pour les Romains, l’huile d’olive jouait un rôle central dans les rituels de bain : appliquée sur la peau après un passage au caldarium, elle nettoyait, purifiait et hydratait en profondeur.
• En médecine, Hippocrate lui-même la prescrivait comme remède naturel, notamment pour apaiser les plaies et traiter les inflammations.

Les prémices du régime méditerranéen moderne 

Le concept de "régime méditerranéen" a été popularisé dans les années 1950 grâce aux travaux du physiologiste américain Ancel Keys. En étudiant les populations de Crète et du sud de l’Italie, il fut frappé par leur espérance de vie remarquable et leur faible incidence de maladies cardiovasculaires, malgré une alimentation riche en lipides, représentant parfois 40 % de l’apport calorique quotidien.

Cette découverte a marqué un tournant décisif dans la compréhension du lien entre alimentation et santé. Contrairement aux régimes occidentaux riches en graisses saturées de mauvaise qualité et pauvres en acides gras monoinsaturés – qui prédominaient alors aux États-Unis – le régime méditerranéen démontrait qu’une consommation élevée de lipides, lorsqu’ils sont de bonne qualité, pouvait aller de pair avec une santé cardiovasculaire optimale.

Cela illustre à quel point la qualité des graisses et leur équilibre jouent un rôle fondamental dans l’alimentation, comme je l’ai déjà précisé dans le livret consacré à la viande Féroce.

L'expansion mondiale de l'huile d'olive : entre tradition et modernité 

Longtemps réservée aux pays méditerranéens, l’huile d’olive a progressivement conquis les marchés internationaux à partir de la seconde moitié du XXe siècle. Cet essor a été largement stimulé par la publication des recherches d’Ancel Keys, qui ont mis en lumière les bienfaits du régime méditerranéen. L’intérêt croissant des pays anglo-saxons a ainsi conduit à une véritable explosion des ventes d’huile d’olive à travers le monde.

Cependant, cet engouement s’est accompagné de défis majeurs. L’industrialisation de la production a donné naissance à des huiles raffinées et mélangées, parfois commercialisées sous l’étiquette trompeuse d’"extra vierge", sans respecter les critères rigoureux de qualité. Cette pression commerciale a compromis les propriétés nutritionnelles de nombreuses huiles, certaines affichant des taux de polyphénols jusqu’à dix fois inférieurs à ceux que l’on trouve dans les huiles d’olive de haute qualité.

Aujourd’hui, le véritable défi consiste à préserver l’héritage et la qualité de cet "or liquide" tout en répondant à la demande mondiale croissante.

Pour tirer pleinement parti des bienfaits de l’huile d’olive, il est essentiel de respecter certains critères de production et de transformation :

• Variété d’olive naturellement riche en polyphénols, comme la Picual.
• Récolte précoce, directement sur l’arbre, lorsque les olives sont encore vertes.
• Pressage rapide après la cueillette, pour protéger les composés bénéfiques des phénomènes de fermentation.
• Extraction par pression à froid à une température inférieure à 27°C, afin de préserver les composés antioxydants, notamment les polyphénols.
• Transport et stockage optimaux, pour éviter l’oxydation et conserver la fraîcheur et la qualité de l’huile.

Les bienfaits de l’huile d’olive sur notre santé  

L’huile d’olive, en particulier l’huile d’olive extra vierge (EVOO), est reconnue pour ses nombreux bienfaits sur la santé. Ces effets bénéfiques résultent principalement de la synergie entre ses composants clés, tels que les acides gras monoinsaturés et les polyphénols.

• Réduction de la morbi-mortalité globale (4, 5, 9)
  Une consommation régulière d’huile d’olive est associée à une diminution significative du risque global de mortalité. Ce bénéfice s’explique en grande partie par ses effets protecteurs sur les systèmes cardiovasculaire et métabolique.
• Effets sur le risque cardiovasculaire (4, 5, 6, 7, 8,  9)
  L’huile d’olive contribue à réduire les facteurs de risque cardiovasculaire en abaissant le LDL-cholestérol (le "mauvais" cholestérol) et en augmentant le HDL-cholestérol (le "bon" cholestérol). Elle aide également à réguler la pression artérielle. De plus, grâce à ses propriétés anti-inflammatoires et antioxydantes, elle limite les processus inflammatoires et oxydatifs, qui jouent un rôle central dans le développement des maladies cardiovasculaires.
• Prévention du diabète de type 2 (4, 5, 7)
  Des études suggèrent que l’huile d’olive pourrait réduire le risque de diabète de type 2, avec une diminution allant jusqu’à 22 %. Cet effet est attribué à son rôle dans l’amélioration de la sensibilité à l’insuline et dans la régulation du métabolisme glucidique.
• Impact sur l’obésité (4, 7)
  Contrairement à d’autres graisses, comme le beurre ou certaines huiles végétales, l’huile d’olive favorise un meilleur contrôle du poids corporel. Cela est dû à sa composition unique et à son effet satiétogène, qui aide à limiter les fringales et les excès alimentaires.
• Amélioration du microbiote intestinal (4, 6, 11, 15)
  Les composés bioactifs de l’huile d’olive, tels que les polyphénols, participent au maintien d’un microbiote intestinal sain. Ils favorisent la croissance de bactéries bénéfiques tout en réduisant l’inflammation des muqueuses intestinales, contribuant ainsi à un meilleur équilibre intestinal.

Qu'est-ce qu'un polyphénol ? (4, 6, 10)

Les polyphénols sont des molécules organiques produites par le métabolisme secondaire des plantes. Leur structure chimique particulière, composée d’un cycle aromatique (arrangement spécifique des atomes de carbone) auquel sont attachés un ou plusieurs groupes hydroxyles (alcool), leur confère de puissantes propriétés antioxydantes et protectrices.

Dans la nature, les polyphénols jouent un rôle essentiel en protégeant les plantes contre les agressions extérieures telles que les rayons UV, les infections ou les herbivores qui chercheraient à leur nuire.

Contrairement aux acides gras, qui fournissent de l’énergie (9 kcal/g) et participent à la structure cellulaire, les polyphénols n’ont aucune fonction énergétique. Leur rôle est principalement lié à la protection des cellules, tant dans les plantes que chez les organismes qui les consomment.

L’huile d’olive, et plus particulièrement l’EVOO, est l’un des aliments les plus riches en polyphénols bénéfiques, notamment l'hydroxytyrosol et l'oléuropéine. Leur présence et leur qualité dépendent cependant des conditions de culture, de récolte et de transformation des olives.

Fonctions des polyphénols de l’huile d’olive dans l’organisme humain (4, 6, 7, 9, 10, 11, 18)

Les polyphénols de l’huile d’olive agissent comme de véritables boucliers biologiques, protégeant les cellules contre diverses agressions. Leur action repose principalement sur les mécanismes suivants :

• Neutralisation des radicaux libres : Ces molécules instables, responsables du stress oxydatif, peuvent endommager les cellules et accélérer le vieillissement.
• Protection contre l’oxydation et l’inflammation : Ils réduisent les dommages cellulaires tout en modulant les réponses inflammatoires pour éviter qu’elles ne s’emballent.

Selon la littérature scientifique, ces composés pourraient également exercer des effets complémentaires grâce à leur interaction avec d’autres composés bioactifs de l’huile d’olive.

Les effets rapportés incluent :

• Réduction du risque cardiovasculaire (4, 6, 7, 9, 10, 18)
  Les polyphénols participent à la diminution des marqueurs inflammatoires et du stress oxydatif, contribuant ainsi à une meilleure santé cardiovasculaire. Ils aident également à réduire la pression artérielle, à améliorer le profil lipidique (augmentation du HDL, réduction du LDL-cholestérol) et à prévenir la formation des plaques d’athérome, réduisant ainsi les risques d’athérosclérose.
• Ralentissement des processus dégénératifs liés à l’âge (10, 11, 12, 13,14)
  Les polyphénols exercent un effet neuroprotecteur. Une étude majeure publiée dans le Journal of Neurology, Neurosurgery & Psychiatry a montré que la consommation régulière d’huile d’olive ralentit le vieillissement cérébral, diminue le déclin cognitif et réduit le risque de développer la maladie d’Alzheimer. Une étude récente de 2024, portant sur une base de données de 92 000 personnes avec un suivi sur 28 ans, a corroboré ces résultats. Elle révèle qu’une consommation quotidienne de 7 g d’huile d’olive est associée à une réduction de 28 % du risque de décès lié à la démence.
• Propriétés anticancéreuses (4, 6, 10, 15)
  En limitant la prolifération cellulaire et en favorisant l’apoptose (mort cellulaire programmée) des cellules anormales, les polyphénols pourraient jouer un rôle préventif contre certains cancers, notamment ceux du côlon et du sein.
• Effet sur la longévité (4, 10, 16, 17)
  L’hydroxytyrosol, un polyphénol clé de l’huile d’olive, semble favoriser la longévité en améliorant la formation et le fonctionnement des mitochondries (les centrales énergétiques des cellules). Il contribue également à préserver la longueur des télomères, ces structures situées aux extrémités des chromosomes, dont le raccourcissement est associé au vieillissement.

Conclusion 

Les données disponibles mettent en évidence que l’huile d’olive, et plus particulièrement l’huile d’olive extra vierge (EVOO), offre une combinaison unique de bienfaits pour la santé. Ces effets remarquables reposent sur la synergie entre ses acides gras monoinsaturés et ses polyphénols, faisant de cet "or liquide" un véritable aliment d’exception.

Cependant, il convient de souligner que les recherches disponibles ne sont pas épargnées des biais classiques observés dans les études alimentaires: la qualité du produit consommé, le mode de vie des utilisateurs, ou encore les contextes de consommation sont autant de facteurs rarement pris en compte. 

Malgré ces limitations, une convergence significative des résultats scientifiques soutient les nombreux effets protecteurs de l’huile d’olive, notamment lorsqu’elle est de haute qualité et riche en polyphénols.

En conclusion, il semble important d'encourager la consommation d'une huile d'olive extra vierge de haute qualité. Que ce soit pour ses propriétés antioxydantes, ses effets anti-inflammatoires ou son rôle dans la prévention des maladies cardiovasculaires, l’EVOO occupe une place centrale dans une alimentation saine, équilibrée et durable.

Bibliographie :

(1). The Mediterranean Diet: Health and Science, 2014

(2). A History of Olive Oil Production in Ancient Civilizations

(3). The Seven Countries Study (1958)

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(9). Guasch-Ferré M, Hu FB, Martínez-González MA, et al. Olive oil intake and risk of cardiovascular disease and mortality in the PREDIMED Study. BMC Med. 2014;12:78.

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(19).De Santis S, Cariello M, Piccinin E, Sabbà C, Moschetta A. Extra Virgin Olive Oil: Lesson from Nutrigenomics. Nutrients. 2019;11(9):2085.