La tomate, le bœuf ou le lait portent le même nom, mais leur valeur nutritionnelle peut varier du simple au décuple selon la façon dont ils ont été cultivés ou nourris. Le sol façonne la densité nutritionnelle des plantes, celle des animaux qui s’en alimentent, et finalement notre propre santé.
ÉcologieSanté
État des lieux : La carotte et le boeuf...
Il y a du carotène à effet antioxydant dans les carottes… C’est vrai, mais la quantité d’antioxydants d’une carotte peut varier de 1 à 20.
Il y a beaucoup de lycopène et de polyphénols aux effets positifs pour la santé dans une tomate… C’est vrai, mais la quantité de polyphénols peut varier de 1 à 10 selon les tomates.
Il y a de la vitamine B12, nécessaire à la reproduction et à la fonction nerveuse, dans la viande de bœuf… C’est vrai… mais la quantité de B12 y varie de 1 à 10.
Il y a trop de graisses saturées athérogènes dans le lait, c’est vrai… Mais cette quantité varie de 1 à 3 et, à l’inverse, le lait peut contenir une foule de graisses aux effets positifs, comme les oméga-3 ou certains CLA, dont la teneur varie de 1 à 10.
Je pourrais continuer longtemps : les mécanismes de synthèse de ces nutriments sont complexes et dépendent autant du mode de production que de la génétique.
Histoires animales pleines de sens : L'abeille et la marmotte...
Toutes les larves d’abeilles ont la même génétique ; pourtant, la majorité deviendra des abeilles ouvrières qui vivront 45 jours d’existence laborieuse, tandis que quelques-unes deviendront des reines qui vivront 4 ans et consacreront leur vie à la reproduction.
Quand une reine meurt, la ruche en fabrique une autre. Comment ? Les larves sont pourtant toutes identiques, avec le même potentiel génétique. Mais les reines, et seulement elles, sont nourries avec la gelée royale, dont la composition complexe, riche en nutriments essentiels, permet aux gènes de se révéler et de s’exprimer.
Ce lien entre gènes et nutrition s’appelle la « nutri-génétique ». Pour que nos gènes s’expriment et que nos potentiels se révèlent, il faut que les bons gènes rencontrent les bons nutriments.
La marmotte est omnivore. Au printemps, quand elle se réveille de son long sommeil hivernal, elle batifole dans les alpages où le soleil est capté par les chloroplastes des prairies en renouveau. Elle mange de l’herbe, pleine d’oméga-3, se reproduit et met bas ses petits marmottons, qu’elle allaite avec un lait riche des bons nutriments de ces herbes en croissance.
C’est l’été dans les montagnes, les marmottons sont sevrés, un cycle s’achève… Les herbes montent à graines et les graines se remplissent de sucres et d’oméga-6. La marmotte mange les graines… sucres et oméga-6 développent le tissu gras… C’est l’automne, les jours raccourcissent, et, bourrée de gras, la marmotte s’endort… pour l’hiver.
Un professeur d’une université du Colorado a étudié les mécanismes de signalisation du développement du tissu adipeux et de l’hibernation des marmottes. Il a eu l’idée de les nourrir, à l’automne, avec des graines de lin riches en oméga-3 : les marmottes ne développent pas de graisses et n’hibernent plus…
L’histoire des abeilles raconte le lien entre notre nutrition et nos gènes. L’histoire des marmottes raconte le lien entre notre environnement, notre nutrition, le rythme des saisons et notre corps.
Notre santé et le fonctionnement de notre organisme dépendent de notre nutrition et donc de notre environnement, qui façonnent les nutriments de nos aliments.
Les cycles de la vie : Sol et Soleil d’abord
Tout commence avec le soleil et son énergie, captée par les chloroplastes des plantes pour fabriquer des sucres. Toute l’énergie sur terre vient de là. Puis les plantes transfèrent une partie (30 %) de cette énergie au sol via les racines ; ce sucre nourrit alors toute une population souterraine :
Les champignons microscopiques (mycorhizes) ne savent pas capter l’énergie du soleil, mais ils savent transformer les minéraux de la roche mère en ions utilisables par les plantes. Une foule de virus, de bactéries, de nématodes, etc., synthétisent des molécules organiques indispensables à la croissance et à l’immunité des plantes. Les vers de terre brassent tout cela et creusent des galeries où s’installent des bactéries qui captent l’azote de l’air et permettent aux plantes de synthétiser leurs protéines.
Quand elles sont bien nourries par un sol « actif », les plantes vont pouvoir synthétiser les nutriments de leur santé, puis de la nôtre : les antioxydants, les polyphénols, les carotènes, le lycopène, les oméga-3… Plus le sol est « sain » et « vivant », plus les plantes qui y poussent seront riches en ces éléments.
Les agronomes différencient désormais la « qualité » d’un sol de sa « santé ». Selon sa profondeur, la nature de sa roche mère, etc., le sol aura une qualité, un potentiel (comme la larve d’abeille), qui ne s’exprimera que si la vie souterraine y est active, si le sol est « sain ».
Pour entretenir cette vie, il faut…
Des plantes qui couvrent le sol toute l’année, avec des feuilles qui captent l’énergie solaire, fabriquent des sucres et les transmettent sous terre, et des racines qui structurent le sol… « Sol nu, sol foutu ; sol couvert, sol prospère », disent les agronomes.
De la variété dans les assolements, avec des plantes qui occupent toutes les strates du sol toute l’année et qui enrichissent la terre en azote (légumineuses). Les prairies naturelles, bien sûr, mais aussi les cultures dites « mineures » comme le lin, le sarrasin, le chanvre, la caméline…
Un minimum de travail mécanique : pas ou peu de labour profond, qui perturbe la vie souterraine.
Un minimum de pesticides, et surtout de fongicides, qui affecteraient le travail des champignons mycorhiziens.
Un lien cultures–élevage, qui favorise la prairie et l’apport de fertilisants organiques (fumier, lisier).
L’élevage, indispensable à la santé des sols, est l’étape suivante des cycles de la vie et de la santé. La plante nourrit le sol (via le sucre qu’elle fabrique et via sa décomposition dans l’humus où « la mort nourrit la vie »). La plante nourrit aussi l’animal et… l’animal d’élevage nourrit la plante (via ses déjections), pour que le cycle de la vie reparte pour un tour…
Dans ce cycle, chacun a sa place : les vaches qui pâturent ingèrent les oméga-3 des feuilles d’herbe et les autres nutriments des plantes (antioxydants et vitamines) pour les concentrer dans leur lait et dans leur viande. Non seulement elles les concentrent, mais elles les métabolisent pour les rendre plus digestibles à l’homme, qui se nourrit de leur viande et de leurs produits laitiers. À l’écosystème plante–sol, basé sur les champignons qui digèrent la lignine, se substitue alors l’écosystème plante–animal ruminant, basé sur les bactéries du rumen. La population bactérienne y synthétise les vitamines du groupe B et des acides gras à haute valeur biologique (CLA, acide butyrique…).
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La densité nutritionnelle : Richesse nutritionnelle ou calories creuses
La densité nutritionnelle des aliments peut être définie comme la quantité de nutriments d’intérêt (vitamines, antioxydants, anti-inflammatoires, oligo-éléments…) par kilocalorie.
Les teneurs en glucides, protéines et lipides varient peu, mais leur « accompagnement nutritionnel » varie du tout au tout (cf. partie 1, la carotte et le bœuf).
Cette densité nutritionnelle peut être mesurée au moins sur trois axes :
L’axe de la diversité moléculaire
La diversité des molécules composant un aliment se mesure en chromatographie, en spectrométrie, voire en réflectométrie. Il ne s’agit pas seulement de rechercher une molécule d’intérêt, mais toute la diversité biologique qui est liée à la vie du sol, des plantes et des animaux.
L’axe antioxydation
Il découle de la diversité. La vie, disent les biochimistes, n’est qu’un long combat perdu d’avance contre l’oxydation… Quand on vit, on respire ; et quand on respire, on s’oxyde et logiquement, on produit des radicaux libres. Ceux-ci vont s’attaquer à notre patrimoine cellulaire. Heureusement, nous savons fabriquer des antioxydants, si nous avons tout ce qu’il faut pour cela, mais ce n’est pas suffisant : il faut aussi des antioxydants exogènes qui viennent des plantes et des animaux, et dont les taux varient selon le mode de production. Les tests FRAP, ORAC, DPPH ou FOLIN sont les plus répandus pour mesurer la capacité antioxydante des aliments.
L’axe anti-inflammation
Nous nous « enflammons » comme nous nous « oxydons » tout au long de la vie ; les deux mécanismes sont d’ailleurs liés. Mais, dans chaque paroi de chacune de nos milliards de cellules, les oméga-3 (que nous ne savons pas fabriquer, seuls les végétaux le peuvent, et seuls les animaux les « allongent » pour les rendre plus utiles) sont à la base de la chaîne anti-inflammatoire. L’inflammation est nécessaire à la défense de nos corps, mais trop d’inflammation peut nous tuer. La teneur en oméga-3 des aliments se mesure après extraction des lipides en CPG (chromatographie en phase gazeuse).
Les équilibres de la vie et de nos santés sont donc délicats. Il faut les préserver.
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La mémoire des modes de production se lit dans nos assiettes.. et dans nos corps
Un kilo de viande aura toujours le même taux de protéines, quel que soit le mode de production et d’alimentation du bovin.
Mais sa teneur en oméga-3, en vitamine B12, en vitamine D3, en antioxydants… variera de 1 à 10.
La densité nutritionnelle est la mémoire du mode de production du bovin.
S’il mange du maïs et des céréales plutôt que de l’herbe, de la luzerne et du lin, sa teneur en oméga-3 sera quasi nulle. S’il reste en bâtiment, la synthèse de vitamine D3, fabriquée sous la peau à partir d’un précurseur du cholestérol, sera extrêmement faible. S’il se nourrit de grains plutôt que de fibres, la teneur de la viande en vitamine B12 sera quasi nulle, car les microbes du rumen fabriquent la B12 en fermentant les fibres des fourrages.
Cette mémoire du mode de production, qui produit la densité nutritionnelle, est la mémoire du cycle de la vie. Sans vie dans le sol, même si les racines des plantes sont correctement abreuvées par des engrais complets, la diversité moléculaire et la capacité antioxydante des plantes seront 30 % plus faibles, à variété, ensoleillement et âge égaux. Sans cette densité et sans variété des plantes dans l’auge, la teneur des œufs, du lait et des viandes en nutriments d’intérêt — notamment antioxydants et anti-inflammatoires — sera de 3 à 10 fois plus faible. Tout cela, nous l’avons mesuré.
La force de la preuve et les études cliniques « One Health »
Nous avons mesuré la vie des sols, la densité nutritionnelle des plantes, la composition des aliments et, enfin, pour que la démonstration soit complète — pour que cette logique dite « One Health », qui lie la santé de l’homme à la santé de ses écosystèmes, ne soit pas seulement une philosophie — nous avons réalisé huit études humaines avec des volontaires sains, diabétiques ou obèses, avec des mamans enceintes et allaitantes, avec des nourrissons, avec des seniors âgés…
Les résultats ont tous été publiés dans la presse scientifique à comité de lecture.
La variable expérimentale de ces études était toujours la même : on ne mesure pas l’effet de ce que mangent les gens, mais l’effet de ce que mangent les animaux, les plantes et les sols qui nourrissent les gens. Avec des menus de composition strictement identique, un mode de production « One Health » améliore significativement :
la composition en acides gras des parois des globules rouges au bout de seulement 35 jours ;
la résistance à l’insuline et l’insulinémie de patients diabétiques au bout de 90 jours ;
la reprise de poids (divisée par 4) cinq mois après un régime légèrement hypocalorique (1 800 kcal) de 90 jours chez des volontaires obèses ;
le risque d’infarctus selon les critères lipidiques sanguins consensuels (diminué de 12 % uniquement en améliorant l’alimentation des vaches) ;
la teneur du lait maternel en oméga-3 (+75 %), en protéines de l’inflammation et en molécules de l’immunité après 100 jours d’alimentation Bleu-Blanc-Cœur chez des mamans enceintes puis allaitantes ;
la composition du microbiote intestinal des bébés issus de ces mamans, 21 jours après l’accouchement.
Etc. (résultats d’autres études en cours à venir).
La santé de l’homme est liée à la santé des écosystèmes où sont produits ses aliments. La preuve par les études humaines est la preuve ultime de ce lien. Ce lien n’est pas philosophique (encore que…), il n’est pas statistique, il ne repose pas sur des corrélations ou des hypothèses : il repose sur une démonstration parfaitement étayée.
J’en ai fait la matière d’une thèse de biologie-santé, soutenue en 2022, dont le titre est : « La santé des animaux et des écosystèmes profite à la santé de l’homme ». Elle est en accès libre, avec ses 500 articles de bibliographie, en particulier ceux de mon équipe de recherche (dont les 78 articles que j’ai signés ou co-signés).
Mais vous ne la trouverez pas sur le site de Bleu-Blanc-Cœur, association que j’ai créée en 2000 pour porter ce projet One Health, car il est interdit en France de dire que le mode de production des aliments influence la santé de l’homme sur un site grand public. Alors, j’ai écrit un livre en 2025 aux éditions Actes Sud qui s’appelle « Une seule santé, enquête sur les sols où naissent les racines de nos maladies ». Son premier chapitre s’intitule « Puisqu’il n’est pas interdit d’écrire un livre ». Il raconte cette longue aventure collective et est dédié à ceux qui luttent avec moi pour que nos sols redeviennent l’endroit où poussent les racines de notre santé.
Auteur de cet article
Pierre Weill
Ingénieur agronome, PhD en biologie santé
Pierre Weill est ingénieur agronome, docteur en biologie/santé, et fondateur de l'association Bleu-Blanc-Coeur.