De David Nicolas

Chapitre 8 - Le problème que je n'aurais jamais pensé avoir

 

  Dans cette newsletter hebdomadaire, je te raconte les coulisses de la création de Féroce.
La semaine dernière : 
Chapitre 7 - Ce qui se produit quand des gens passionnés se réunissent

L'une des raisons du succès précoce de Féroce, au-delà de cette idée d’intégrer des abats dans un steak haché, est la confiance que vous m'accordez pour sélectionner les meilleures fermes de France.

Quand j'achète de la « viande bovine » en grande surface, d'où vient-elle ? Comment a-t-elle été élevée ? Qu'a-t-elle mangé ?

Ce sont des questions fondamentales, tant sur le plan nutritionnel qu'éthique. Le label bio a tenté de rétablir cette confiance. Malheureusement, il est imparfait.

Prenons l'exemple de l'huile d'olive dont je parlais la semaine dernière. Dans mon Intermarché, malgré un packaging qui semble très « naturel », un macaron « bio » et des allégations telles que « non filtrée », je découvre à l'arrière de la bouteille : Origine UE et hors UE. Autrement dit : mélange d'huiles de mauvaise qualité, bon marché, certainement oxydées et six fois moins riches en polyphénols.

Pour obtenir une viande d'excellente qualité, riche en Oméga-3, en CLA, en vitamines et en composés phytochimiques bénéfiques, il faut que la vache, en tant que ruminant, mange ce qu'elle est censée manger : de l'herbe. Pour être labellisé bio, il suffit que ces fourrages représentent 60% de la ration. Le reste peut provenir de céréales comme le maïs ou le soja, riches en Oméga-6, à condition qu'elles soient issues de l'agriculture biologique.

C'est pour cette raison que j'ai cherché à aller plus loin avec la double labellisation Bio Bleu-Blanc-Coeur, qui garantit un ratio optimal en Oméga-3. Celui-ci peut être obtenu « naturellement » avec des vaches qui mangent de l'herbe ou grâce à un complément en graines de lin. Quoi qu'il en soit, en combinant ces deux cahiers des charges, j'ai pu identifier les élevages les plus susceptibles de répondre à mes standards de qualité : valeur environnementale, bien-être animal, densité nutritionnelle.

Problème : je n'ai trouvé que trois fermes correspondant à ces critères.

Alain, l'éleveur normand dont je parlais dans le Chapitre 1, croit énormément en ce "Bio Blanc Coeur" et s'est mis en ordre de bataille pour convaincre et accompagner d'autres agriculteurs dans cette démarche. Mais malgré sa connaissance de la filière, son énergie et ses convictions, la production stagnait. C'est pour cette raison qu'il n'y a presque jamais de stock disponible sur feroce.food, et que nous fonctionnons essentiellement en pré-commande.

Comme nous l'avons déterminé lors du board, l'approvisionnement était vraiment le goulot d'étranglement empêchant Féroce de se développer à la hauteur de nos ambitions. Certes, la boîte était jeune, et j'aurais pu choisir la passivité, en espérant que "ça progresse tranquillement". Mais la réalité, c'est que même à moyen ou long terme, nous ignorions comment résoudre ce problème.

Il existe deux types d'entrepreneurs :

Ceux qui imaginent la trajectoire parfaite de leur boîte dans leur tête, et ceux qui se confrontent sans cesse à leur environnement, rencontrent des problèmes et les voient comme des cadeaux pour savoir où mettre le focus, quoi faire et développer. Je fais partie de la seconde catégorie.

Alors j'ai investi dans une paire de bottes pour faire l'une des choses que je sais le mieux faire : poser des questions. J'ai interrogé des éleveurs pour comprendre leur vie et leur métier. J'ai rencontré Pierre Weill, le fondateur de Bleu-Blanc-Cœur, échangé avec des acteurs de la filière bio, toqué à la porte de L'Institut Agro de Montpellier...

Je ne suis pas issu de ce milieu. C'est à la fois une faiblesse, mais aussi ma plus grande force.

Cette naïveté bienveillante me permet de porter un regard neuf sur le monde de l'agriculture : d'en comprendre la beauté, mais aussi les dysfonctionnements. Et d'imaginer comment rétablir le lien entre la ville et la campagne.

Peu à peu, une idée a germé dans mon esprit. Une idée contre-intuitive. Un changement radical dans la vision de Féroce, marquant un tournant décisif dans son histoire. Un risque énorme, mais je suis intimement convaincu que c'est la bonne chose à faire.

Comme souvent, ce virage est le fruit d'une rencontre. Une rencontre qui m'a profondément marquée. Je te la raconte la semaine prochaine ;)

 La semaine prochaine
Chapitre 9 : La rencontre décisive